Il existe une multitude de manières de traverser cette épreuve qui n’épargne personne.
De nombreux spécialistes, médecins, sociologues, philosophes… se sont penchés sur la question depuis des siècles.
Lors des accompagnements que j’ai réalisés, j’ai appris que nous portons en chacun de nous une capacité à la résilience sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour traverser le deuil.
Accueillir l’inéluctable selon E. Kübler-Ross
Tout d’abord je voudrais vous parler d’une femme, le médecin-psychiatre Elisabeth Kübler-Ross dont la vie fut exemplaire.
Dans ma carrière professionnelle, j’ai été formée à l’accompagnement en fin de vie. Cette formation m’ a été donnée par des proches collaborateurs de ce célèbre médecin avant-gardiste Elisabeth Kübler-Ross.
Ce qui l’a rendue célèbre en particulier c’est la modélisation des 5 étapes du deuil dont elle fut à l’origine.
Par la suite, elle a étendu ce modèle à toute perte définitive que nous pouvons subir. Par exemple la perte de son travail, un divorce, une faillite. Toutes ces épreuves entrent dans ce processus que l’on appelle également aujourd’hui un deuil.
Sa vie est un roman…
Née en 1926 à Zurich, l’ainée de triplées, elle survécu par miracle à cette naissance peu ordinaire pour l’époque !
Son engagement auprès des malades, durant la 2ème guerre mondiale, l’amena à visiter juste après la guerre le camp de Majdanek en Pologne. C’est là qu’elle dit avoir décidé de vouer sa vie aux vivants, jusqu’à leur derniers instants.
Elle devient médecin en Suisse, puis psychiatre en 1963 aux Etats-Unis où elle a suivi son mari, un médecin américain.
Sa vie est jalonnée d’aventures incroyables. Elle sera guidée tant par un tempérament jusqu’au-boutiste qu’elle revendique farouchement, que par une compassion sincère et engagée envers le vivant sous toutes ses formes.
Une autre vision de la mort
La vision de la fin de vie et de la mort qu’elle impose dans le milieu médical était très novatrice. Lasse de voir mourir tant de personnes seules dans leur chambre au fond d’un couloir d’hôpital, elle s’indigne. Son action fut à l’origine d’une prise en charge sérieuse et encadrée dans ces moments clés de la fin de l’existence.
Son travail se fait en dépit de toutes les difficultés qu’elle rencontre. En particulier le mauvais accueil de la part du corps médical. En effet, son franc-parler et le sujet principal de son travail dérange. Ses recherches ne passent pas très bien aux yeux de ses collègues médecins. Ils craignent de susciter trop d’intérêt, et surtout des jugements. Les médecins préfèrent passer sous silence les cas pour lesquels la médecine et eux-même ne peuvent plus rien.
Une motivation à toute épreuve !
Grâce à un travail colossal, elle aida à l’émergence d’un nouveau regard que portera notre société sur la mort. L’accompagnement médical et palliatif mis en place devient alors une proposition réaliste, incluante et globale face la mort. Ce progrès est un soulagement et un bienfait pour ceux qui partent mais aussi pour leur proches.
Elle se battra jusqu’à la fin pour mettre cette étape importante de la vie au centre de toutes les préoccupations du monde des vivants.
Les 5 phases du deuil : un mouvement qui va de l’intérieur vers l’extérieur
Ma formation et mon expérience professionnelle m’ont amenée à associer deux manières d’appréhender la mort. Qu’il s’agisse de notre fin ou de celle d’un proche, elles sont complémentaires. Elles mènent à la restauration de notre être face à l’impossible.
La première façon d’appréhender la mort est celle que l’on m’a enseignée. Elle relève d’un travail mental et émotionnel de reconnaissance et d’acceptation des 5 phases que nous traversons lors d’un deuil.
Il s’agit de :
- la colère
- le déni
- la négociation
- la dépression
- l’acceptation que j’aime aussi appeler l’accueil
Grâce à une meilleure compréhension de ces phases douloureuses nous arrivons à sortir doucement de la sidération dans laquelle la tristesse nous a plongé.
Sortir de soi pour transcender la tristesse qui nous envahit
En même temps, dans ce mouvement de va et vient, d’aller et retour d’une phase à l’autre, une attitude vient compléter ces phases d’intériorisation.
Il est alors question de s’ouvrir vers l’extérieur. Étape primordiale pour traverser la tempête émotionnelle lors d’un deuil. Elle nous aide à sortir de la colère et du déni qui bloquent parfois le passage vers les phases suivantes.
J’ai appris au cours de mes accompagnements et de ma vie de femme que la libération de la parole est le plus beau cadeau que l’on puisse se faire dans ces moments difficiles.
Le cadeau de la résilience
Participer à des groupes de parole, la pratique d’un art (seul ou en groupe), l’intérêt pour la musique, la poésie, la lecture, la peinture… et le monde qui nous entoure sont autant de passerelles vers l’acceptation de cette étape de notre vie.
J’ai animé des ateliers qui offraient à des personnes touchées de près ou de loin par la mort, de commencer ce cheminement de réparation, de résilience. Ces ateliers proposaient des groupes de parole, des sorties culturelles, des découvertes artistiques, la méditation, la sophro-relaxation… J’ai eu le bonheur d’y voir des hommes et des femmes se transformer doucement, sereinement et durablement.
L’accueil de ce qui EST, le cheminement vers notre résilience, la mise en place de projets et d’actions planifiées peuvent nous porter beaucoup plus loin que l’on s’imagine.
La tristesse est universelle, elle se partage
Le deuil est universel, malgré nos différences. Nous ressentons tous les mêmes sentiments. Le vide, l’absence, les peurs, les questions, la tristesse… Il y a juste de nombreuses manières, différentes, de les exprimer.
La musique est une ressource importante dans ma vie. La poésie, l’authenticité, la pudeur, l’envie viscérale de partager de certains artistes me soulèvent et m’émeuvent toujours.
Si on veut prendre une leçon d’humilité, de courage ou encore de résilience on peut écouter le dernier album de Jane BIRKIN « Oh pardon tu dormais ».
Une femme touchante de vérité
J’admire fidèlement cette magnifique artiste depuis plus de 30 ans !
Après le décès de sa fille Kate en 2013, elle a réussi à revenir à la musique pour notre plus grand bonheur. Cet album réalisé avec l’aide d’Étienne DAHO est une ode à la vie qui n’oublie pas ses morts aussi loin semblent-ils être partis !
Voici en lien ci-dessous, un titre qui nous parle plus particulièrement de la disparition de Kate à travers les mot de sa mère, une grande artiste… Portée par une musique plutôt enjouée en de telles circonstances, Jane peut nous livrer les questions et les tourments qui l’assaillent aux premiers instant de la mort de sa fille.
Et si vous voulez en savoir plus sur cet album et Jane BIRKIN vous pouvez regarder cette interview dans laquelle elle parle de ses tourments et comment elle y fait face.
Merci de votre attention et votre intérêt pour ce sujet difficile.
Tout comme Elisabeth Kübler-Ross je pense que la mort ne doit pas être éludée.
Si ce sujet vous intéresse, je vous invite à lire cet article que j’ai rédigé sur l’écrivain Christian BOBIN. Mieux que personne, cet homme met en mots la disparition brutale de sa compagne. Il nous confie les émois de sa vie avec cette absence physique, le souvenir intact du bonheur en compagnie de son « soleil », avec une poésie inouïe, authentique et pleine d’espoir.
La meilleure manière de porter la vie n’est-elle pas de la prendre dans sa complétude… avec son début, son déroulement et sa fin ?
Rony CHABANNE
