Her, l’histoire d’un homme indécis

J’ai beaucoup de plaisir à vous livrer dans cet article la joie, à chaque fois renouvelée, que j’ai en regardant le film « HER » de Spike Jonze.

Dans le cadre d’un partage interblogueurs, il s’agit aujourd’hui de vous faire découvrir un film qui m’a inspirée, transportée, motivée, ou encore consolée…

Cet article participe précisément à l’événement interblogueurs “I Feel Good Movie !” du blog Ciné, ma thérapie. J’apprécie ce blog et vous invite à y lire cet article intéressant : Bonnes Résolutions et écrans…

Her ou comment l’Intelligence Artificielle peut nous aider ?

En chargeant cette vidéo, vous acceptez la politique de confidentialité de YouTube.
En savoir plus

Charger la vidéo

Toujours autoriser YouTube

Laissez-moi vous emmener dans une histoire d’amour légèrement futuriste et inhabituelle : HER !

C’est l’histoire d’un homme et de son Système d’Exploitation (Opérating System) ou plus exactement l’assistante vocale de l’O.S. de son ordinateur personnel.

Cet homme qui sort difficilement d’une rupture sentimentale s’isole dans un monde virtuel situé dans un Los Angeles à peine futuriste de 2025. Son métier l’y enferme déjà un peu puisqu’il est écrivain pour les autres via internet. Il écrit des lettres à la demande de personnes qui manquent d’inspiration pour écrire à leurs proches (tiens, ça me rappelle quelque chose !).

I – Autour du film

1 – Le réalisateur : Spike Jonze

Il est pour le cinéma, à mon humble avis, le pendant masculin de Sofia COPPOLLA (qui réalisa « Lost in translation », un film charmant qui faisait écho à leur relation) dont il divorça en 2003 après 4 ans de mariage.

À la sortie du film « HER » en 2013, Spike Jonze choisit de le proposer pour commencer en « limited release » aux Etats-Unis puis en France dans 140 salles, en VOST pour un public plutôt cinéphile (Art et essai).

Ce film nous offre un voyage « connecté », une ode à l’amour, au couple, avec son lot de peurs, de doutes, de solitude, de responsabilités mais aussi des difficultés du quotidien face au devenir de chacun au sein du couple.

Grâce à ce merveilleux film, osé, immersif, sobre, troublant, inventif, pudique, Spike Jonze sera gratifié de l’oscar (bien mérité) du meilleur Scénario Original en 2014.

2 – Les acteurs principaux

Joaquin Phoenix (alias Théodore) joue à merveille, dans un mélange de magie et de talent, le rôle d’un homme un peu perdu qui tombe amoureux d’une voix (chic, sensuelle et drôle), celle de Scarlett Johansonn (alias Samantha) que nous ne verrons jamais à l’écran.

Amy Adams est une amie compréhensive et fidèle depuis l’université (alias Amy dans le film). Elle semble avoir les même difficultés que Théodore dans la vie, et dans la vie de couple en particulier.

Rooney Mara (alias Catherine) est l’épouse qui demande le divorce et qui apparait dans le film grâce à des flash-back, au gré des souvenirs dont Théodore se berce doucement.

3 – La musique du film

Un film esthétique servi par une excellente Bande Originale d’Arcade Fire et Owen Pallet.

Win Butler, fondateur d’Arcade Fire dit de sa Bande Originale :

« Il y a une mystérieuse alchimie dans la manière dont le son et l’image ont de fonctionner ensemble. Les notes et les humeurs changent et réalisent les unes avec les autres comme un kaléidoscope ».

Elle a un petit quelque chose de musique romantique du début du XXème siècle (genre Erik Satie) avec un piano très présent et mélancolique que j’adore !

Pour mon plus grand plaisir, elle sort enfin le 19 mars 2021, en disque et en streaming.

En chargeant cette vidéo, vous acceptez la politique de confidentialité de YouTube.
En savoir plus

Charger la vidéo

Toujours autoriser YouTube

II – Plongée au coeur du film

Théodore est un quarantenaire profondément humain et un peu paumé qui vit dans un monde plus ou moins asservi à la technologie et aux jeux vidéo sophistiqués. Il a du mal à se relever d’une rupture amoureuse et peine à passer à autre chose. Samantha, son assistante virtuelle OS, l’aidera-elle à refaire surface ?

Ce film pose tant de questions en multipliant les thèmes qu’il est difficile d’en faire le tour en quelques mots.

1 – Le grand thème du film : le couple

Beaucoup de questions sur le couple sont évoquées, tout en laissant chacun trouver ses propres réponses.

• Le couple c’est quoi ?
• L’idéalisation du couple, quête d’un « ‘idéal amoureux » : déception assurée ou moteur de la relation ?
• Comment « grandir » ensemble, à deux et rester proches, sans faire peur à l’autre ?
• Le contrôle de l’autre dans le couple : jusqu’où peut-on aller ?
• Le partage des émotions : doit-on tout dire, même quand c’est difficile ?
• La solitude lorsqu’on vit seul ou en couple : subie ou recherchée ?

Ça fait du bien de s’interroger à ce sujet, car ces questions sont sous-jacentes dans notre quotidien. On ne veut pas toujours vraiment les aborder… par paresse, par peur ou tout simplement parce qu’on ne sait pas par où commencer !

2 – Le second thème qui nous titille du début à la fin du film : l’Intelligence Artificielle

• L’Intelligence Artificielle, amie ou ennemie ? Peut-elle nous aider à voir clair en nous, à nous rapprocher de nous-même ?
• Est-ce que l’I.A. est réellement évolutive, apprend-elle de ses « expériences », peut-elle s’adapter à nos personnalités humaines pour mieux nous servir, comme dans le film ? Si oui, quelles limites doit-on fixer ?
• Quel sens donner à une relation virtuelle amicale ou amoureuse ? Est-ce une relation réelle ou n’est-ce qu’une illusion ? Quelles sont les limites entre le réel et le virtuel ?
• Peut-on faire l’amour avec un ordianteur ? Est-ce de l’amour ?
• Où se situe l’Intelligence Artificielle, dans quel espace matériel existe-elle? Comment nos cerveaux la formalisent-ils ? Comment la voyons-nous, la « vivons »-nous?
• L’I.A. a-t elle une conscience, comme Samantha le dit dans le film ?

Quand on aborde un sujet profond et d’actualité comme celui-ci, il y a de quoi faire… Promesse de longues soirées-débat en vue !

3 – Le troisième thème qui crève l’écran c’est l’amour

Encore bien des questions posées par les aléas de Théodore tout au long du film, et qui nous plonge au coeur de sa solitude, de sa quête d’amour idéal.

• L’amour c’est quoi ? Comment « aimer » ?
• Quelles sont les limites de l’amour ? Qu’est-ce qui est bon ou pas, acceptable ou non ?
• Comment éviter la peur de la fadeur du déjà vu, du déjà vécu ?
• Que signifie l’engagement en amour ? Faut-il s’engager ?
• Le sexe avec ou sans amour, qu’est-ce que ça change ?
• Amour rime-t-il toujours avec fidélité ?

Vaste sujet qui a déjà rempli bon nombre de bibliothèques ! C’est à chacun de répondre en plaçant le curseur où il le souhaite… en conscience et connaissance de soi c’est encore mieux !

III – Ce que m’inspire cette histoire

1 – Vivre dans le passé

Je suis fascinée par la capacité humaine à ressasser et à se faire du mal avec quelques chose qui n’est plus ! Le passé… Tourner la page, lâcher prise, est-ce si difficile ?

Le passé c’est quoi ? Après tout, n’est-ce pas juste une histoire qu’on se raconte.

La vie nous oblige à évoluer constamment, alors à quoi bon lutter et persévérer avec nos souvenirs douloureux. Cela est certainement aussi douloureux qu’inutile…

S’il nous faut un temps remuer le couteau dans la plaie, si nous avons du mal à tourner la page, heureusement le temps est notre meilleur allié dans ces situations difficiles. La vie également… Elle nous pousse à regarder devant et passer à l’action. Comme Théodore qui reprend goût à la vie grâce à une relation (même discutable) qui lui redonne l’espoir dans une vie nouvelle !

2 – La peur de la solitude

Dans ce film, Théodore souffre de solitude et choisit de s’enfermer dans une relation avec cette « âme soeur » virtuelle, sans les difficultés de la vie commune et quotidienne d’un couple… Il se sent à nouveau vivant !

La solitude « assistée » que le film propose est encore plus d’actualité aujourd’hui avec cette pandémie mondiale qui nous oblige à nous enfermer chez nous en ayant le moins de contacts possibles… Notre « humanité » personnelle survivra-t-elle à cela ?

Dans cette lutte contre notre sentiment de solitude, la société future que nous construisons comporte un piège réel et visible. En nous aidant à sortir d’une impasse momentanément, l’Intelligence Artificielle peut nous mener à encore plus de solitude. Une trop grande dépendance aux nouvelles technologies n’est-elle pas un danger ? Théodore en est le représentant parfait, oreillette collée à l’oreille, téléphone toujours à portée de main, dans la poche… Quitte à se couper du monde et des autres. Ne risque-t-on pas de tomber dans un cercle plus vicieux que vertueux ?

3 – L’amour en question

Ce film vrai, nous fait réfléchir sur ce que doit être ou ne pas être une relation. Et là, Spike Jonze ne donne pas de leçon, ni de réponse. Théodore et Samantha forment-ils un couple ? Le film laisse le spectateur se faire sa propre opinion la dessus.

Je dirai tout de même que, contrairement à Samantha, un être humain a besoin de recevoir autant que de donner. Si elle peut apporter beaucoup à Théodore, lui n’a rien à lui donner (un logiciel n’a besoin de rien même s’il simule les sentiments humain, il ne les « vit » pas dans sa chair) ce qui peut poser problème pour que la relation soit équilibrée. Le partage réel et réciproque étant la clé de voûte de l’amour selon moi !

Ce film propose d’aimer quelqu’un qui n’existe pas. N’est ce pas déjà un peu le cas en réalité ? Quand on tombe sous le charme d’une personne, on tombe d’abord amoureux d’une idée que l’on a d’elle. Cet autre que nous inventons, est une projection modelée par nos expériences, nos failles, nos illusions, nos désirs, nos besoins… Ainsi, nous donnons à l’autre une forme qui peut parfois être très éloignée de ce qu’il est réellement !

IV – Pourquoi ce film me fait du bien ?

1 – L’ambiance : appaisante, dépaysante, esthétique

Ce film est beau tout simplement ! Les couleurs vives, la décoration intérieure lisse, l’esthétique « Applelisée » de la ville de Los Angeles, la musique qui va parfaitement avec le décors… Tout y est parfait pour se détendre tout en réfléchissant !

Il est un peu long (2h), diront certains, mais j’ai un énorme faible pour les films longs…

2 – Le développement « réaliste » du film

Leur relation s’affaiblit quand Samantha prend des distances, des initiatives et découvre des occupations en dehors de lui, avec d’autres O.S.

Quand Théodore découvre qu’il n’est pas le seul « abonné » de Samantha (8313 abonnés en simultané dont 641 amoureux comme lui) il doit faire face au vertige de cette réalité froide et inattendue. Il remet sa relation avec elle en perspective… Il est si touchant à cet instant qu’on rêve de le prendre dans nos bras… réellement !

« Je suis avec toi et pas avec toi… » sera la seule réponse de Samantha pour expliquer son attitude et la « réalité » de leur relation !

Plus le film avance, plus les angles de vue viennent se superposer, se croiser, bousculer gentiment nos croyance et nos convictions. On en arrive même parfois à oublier que Samantha est une machine et qu’elle n’existe pas !

3 – La fin

Sans spoiler la fin du film, Théodore comprend, avec beaucoup de pudeur, que Samantha a donné du sens à sa vie, mais que cela ne peut être que momentané. Enfin prêt à passer à autre chose, il écrit une très belle lettre libératrice à son ex-épouse.

Il se réfugie sur le toit avec son amie de toujours dans la nuit éclairée et immense de la ville, espérons-le vainqueur de ses illusions et de sa quête d’idéal.

Spike Jonze a gagné ! En nous poussant à notre propre introspection sentimentale, il nous emporte, nous bouscule avec une douceur qui résonne fortement et qui nous surprend. Il propose un futur sans jamais le juger en nous laissant maître de nos propres émotions.

On quitte le cinéma heureux même si on sait que l’on a succombé à la douceur d’une romance made in US.

Rony CHABANNE